Une personne porteuse d’une déficience peut-elle devenir parent ou plutôt comment peut-elle le devenir ?

Le droit à la vie affective et sexuelle des personnes porteuses d’une déficience est inscrit dans la Déclaration Universelle des Droits des Personnes Handicapées, depuis longtemps, depuis le 9 décembre 1975. Le droit à devenir parent qui en est une suite logique se heurte encore souvent à une levée de bouclier. En effet, une opposition entre le droit à la parentalité de personnes handicapées à devenir parents et le droit de l’enfant à naitre est souvent formulée, de façon explicite ou plus implicite.

Pourtant, considérer le handicap non pas comme une incapacité figée mais bien comme un construit social fluctuant avec le temps intégrant l’incapacité individuelle (physique, cogitative, sensorielle ou psychiatrique) et la réponse de l’environnement socioculturel à cette incapacité, permet de dépasser cette opposition. Car, en considérant que c’est à l’environnement de s’adapter aux incapacités individuelles, rendre la parentalité accessible à tous devient une composante indissociable de nos politiques d’inclusion.

 

Invitation de passer d’une réflexion sur les « représentations » à une réflexion sur le « comment »

Dés lors, considérons la parentalité des personnes porteuses d’une déficience comme un sujet de société auquel nous devons répondre, et non plus comme une simple possibilité à envisager théoriquement. Pour cela, il faut passer d’une interrogation théorique (« Qu’évoque la parentalité des personnes porteuses d’une déficience en nous ? ») à une interrogation en termes de problèmes-solutions « comment garantir ce droit universel à ces personnes ? »).

Par ailleurs, cette interrogation en termes de problèmes-solutions s’inscrit dans une réalité déjà existante. En effet, de plus en plus de personnes porteuses d’une déficience font état de leur désir de devenir parents ou le sont déjà. A titre d’exemple, 11 % des citoyens des États-Unis d’Amérique ont l’un ou les deux parents atteins d’une déficience (dans une enquête datant de 1993[1] ; une enquête plus récente avec des chiffres belges ou européens existe-t-elle ?).

 

Afin de commencer à investiguer quelles sont les problèmes concerts liés à la parentalité des personnes porteurs d’une déficience, des recherches empiriques avec des résultats objectifs, au-delà des représentations des uns et des autres, devraient être menées.

À titre d’exemple, il existe aux États-Unis d’Amériques un centre nommé « Through the Looking Glass »1qui effectue un travail de recherche, d’expertise judiciaire et de clinique autour et avec les familles avec parent(s) porteur(s) d’une déficient(s). Dans le but d’établir des normes objectivables et d’établir si les parents porteur d’une déficience peuvent être «  suffisamment bons », les chercheurs de ce centre ont filmé des personnes porteuses d’une déficience physiques ou sensorielle dans leur interaction avec leur bébé. Une bonne interaction et adaptation mutuelle entre le nourrisson et la mère ont pu être ainsi constatée et documentée. D’autres recherches de ce centre ont démontré que les enfants de parents porteurs d’une déficience ne sont pas à risque concernant la parentification[2]. Dans sa mission d’expert judiciaire, ce centre a, par exemple, pu prouver qu’une mère porteuse d’une infirmité motrice cérébrale était « suffisamment bonne » en comparaison à d’autres personnes portant la même déficience (venant de leurs travaux d’échelonnage de normes). Quant au travail clinique de ce centre, il s’appuie dans une démarche déculpabilisante sur les ressources et les forces des familles et leur proposent des solutions concrètes.

Alors faut-il créer un centre comme « Through the Looking Glass » en Belgique ? Oui, pourquoi pas.

Si nous considérons la parentalité comme un droit, alors nous devons mettre en place les conditions nécessaires à l’exercice de ce droit pour tous. Au niveau de la recherche scientifique, nous devons proposer des modèles théoriques (forcément multiples car il y a de multiples déficiences) sur  :

  1. comment fonctionne les interactions entre l’enfant et le parent atteint d’une déficience
  2. ce qui peut dysfonctionner et
  3. sur quels leviers agir pour empêcher ces dysfonctionnements.

Et au niveau politique, nous devons mettre en place des solutions en termes d’adaptations et de personnel formé pour soutenir ces personnes dans l’exercice de ce droit. Où en sont ces politiques ?

Laurent Heck

 

[1]Kirshbaum, M., & Olkin, R. (2002). Parents with Physical, Systemic, or Visual Disabilities. Sexuality & Disability, 20(1), 65.

[2]Le fait pour l’enfant de devenir le « parent de son parent », d’avoir des responsabilités sur sa famille inadéquates pour son âge.

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